Les phrases à la con des manuels scolaires
Ce n’est pas nouveau, lorsque l’on apprend une langue et que l’on est au niveau débutant (oui oui je suis dans le groupe des débutants, plus exactement chez les beginner ; j’expliquerai pourquoi plus tard), les exemples sont souvent bébêtes. Souvenez-vous de Brian is in the kitchen (pour apprendre à localiser les choses ou personnes) ou le Maria, pasà, pasà por aqui (ça je ne sais même plus ce que cela veut dire). Y’en a plein d’autres qui vous auront plus au moins marqué tellement vous les avez répétées. Pis faut dire qu’à l’époque le cerveau était plus éponge que passoire… Mais bon c’est un autre sujet.
Alors quoi ? Pourquoi je vous parle de ça ? Je viens de passer plus de 3h30 à la BU de l’université, délicieusement appelé 图书馆 (tu shu guan qui signifie bibliothèque - j’aime bien le son « tou chou guanne » en français, je ne sais pas pourquoi), où j’ai révisé bien consciencieusement tout mon vocabulaire. Caractères, pinyins, traductions, tout y est passé, avec méthodes et entrain ; j’aime ça je vous dis !
Cependant, ce mode de révision ne s’intéresse qu’aux caractères seuls. Pour parler ou composer des phrases ce n’est pas suffisant. Alors je complète en traduisant les phrases des bouquins. Là, j’ai utilisé le livre du cours de Listening, dans ce cours on entraine l’oreille à reconnaître les mots. Dans cette matière ça va assez vite, on écoute, on corrige et hop on passe à l’exercice suivant. Ce qui fait que je n’avais jamais vraiment comprit le sens global des textes que l’on nous soumettait. Je comprenais les phrases, les caractères mais pas l’enchaînement « logique ». En gros, je ne m’intéressais qu’aux caractères : celui-là je le reconnais ou pas ? C’est quel ton ? C’est quoi son homonyme ? etc…
A tête reposé, j’ai donc traduit tout un texte en voyant ce qu’il racontait. Qu’est ce que c’est con ! Ridicule ! C’est vraiment déconnecté de la réalité dans le sens où je n’ai jamais eu à faire des phrases comme ça. Bon, on ne m’a jamais posé les questions qui auraient pu m’amener à ce type de réponse non plus…
Je ne sais pas si c’est la Chine, mais les situations décrites dans le texte c’est un peu un monde formidable où tout le monde est beau, tout le monde est gentil, tout le monde à les dents blanches, tout le monde ramasse le caca de son chienchien. Morceaux choisis :
- « 我的同屋是美国人,今年二十五岁,是三年级的学生 ». Mon colocataire est américain, cette année il a 25 ans, il est en 3ème année.
Okay, j’ai un coloc’, il est américain. Bien, information utile. Il a 25 ans et est en troisième année. 3ème année de quoi et son âge qu’est ce que l’on s’en fout ?! Franchement quand vous vous adressez à quelque un, vous lui demandez l’âge de son coloc’ ? C’est quoi le but ? Vous chercherez à savoir ce qu’il fait, au moins s’il travaille ou s’il étudie pour peut être savoir s’il a le même rythme de vie que votre interlocuteur, s’ils sont dans le même cours, etc… Sérieusement, vous lui demanderez s’il range bien ses chaussettes, s’il n’est pas trop crade, s’ils s’entendent bien, etc…
- « 他是一个很有意思人,最喜欢说笑话. » C’est une personne intéressante, [ce qu’il aime par-dessus tout] il adore raconter des blagues. Mouais, quelqu’un qui raconte des blagues est un marrant, un rigolo, un joyeux drille, un clown, un pitre cela ne le rend pas forcément intéressant mais plutôt amusant, drôle bref, sympathique.
- « 我的同屋也喜欢说汉语他有很多汉语书和汉语词典。 » Mon colocataire aime aussi parler le chinois, il a beaucoup de livres et de dictionnaires chinois. Il fait la collection des écrits chinois ?
- « 他喜欢上课,他说汉语课很有意思。但是他不喜欢考试 ». Il aime aller en cours, il dit que les cours de chinois sont très intéressants. Cependant, il n’aime pas les examens.
Il aime aller en cours. Oh oui alors ! Allons en cours nous amuser, c’est très intéressant ! Si apprendre le chinois l’est (pour moi en tout cas…), aller en cours rester assis des heures sur une chaise, à écouter quelqu’un parlé a rarement passionné les foules. On peut aimer aller en cours, pour voir les copains, pour s’amuser mais pour étudier avec soin… mmm j’en doute. Le syllogisme « j’aime le chinois, je vais en cours pour apprendre le chinois, donc j’aime aller en cours pour apprendre le chinois » ne fonctionne pas. A la limite, on aime les cours de quelqu’un parce que c’est un bon pédagogue, il est rigolo et l’apprentissage se fait dans la joie et la bonne humeur. Il n’aime pas les examens ? Sans dec’ ?! Il peut les trouver dur, facile, compliqué, tordu, mal foutu, traitre, les avoir réussis, les avoir ratés, etc…
- « 我们班有很多同学,他们都很好。昨天晚上,他们一起来我的房间看我,他们都说汉语。但是我很累,不知道他们说的是什么。 ». J’ai dans ma classe, beaucoup de camarades, ils sont tous bien. Hier soir, ils sont venus ensemble me voir dans ma chambre/appartement (en fait le narrateur est malade), ils parlaient tous chinois. Mais j’étais fatigué, je ne savais pas ce qu’il disait (en fait dans sa classe tout le monde parle chinois couramment sauf lui, le naze).
Déjà pour que tout le monde soit sympa dans un groupe d’individus de la taille d’une classe, faut faire fort ; y’a un toujours un ou deux qui ne sont pas sympas ou qui ne communique pas. Pour que tous viennent vous voir quand vous êtes malade c’est encore plus fort. Pour que vous soyez le seul glandu (si si) à ne pas savoir parler dans une classe c’est très très fort… D’ailleurs qu’est ce qu’il avait fait pour être malade ? Il avait la crève ? Il s’était pris une grosse cuite et avait une gueule de bois monstrueuse ? Il est venu en à Shanghai et immédiatement sa copine se barre à Pékin ? Il s’est couché trop tard parce qu’il a fumé des pétards trop joué à l’ordinateur lu des livres de chinois ^^? Ça, ce serait de vrais dialogues d’étudiants !
Dis donc Romain, t’enfilerais pas les mouches là, avec ton article ? ‘-_- bah oui en fait, mais bon faut me comprendre aussi, les livres que l’on a manque cruellement d’ambition. En France le livre que j’avais lorsque je faisais le D.U. de chinois avait environ 50 caractères par leçon pour 3h00 de cours par semaine. Là, on a, à tout casser, une vingtaine de caractères par leçon pour 15h00 de chinois par semaine (5 jours par semaine, hors cours optionnels). On est en Chine, on a mille et une occasions de pratiquer la langue et l’on étudie à la vitesse d’une tortue sur le dos. Généralement, les textes ne font pas plus de dix lignes (sans aller jusqu’au bout de la page !)
Et c’est aussi parce que les cours sont la chose la moins intéressante du voyage que je n’en ais pas parlé plus tôt.
La leçon qui nous apprenait à dire l’heure :
丽莎,现在几点?Lisa, quelle heure est-il ?
七点半. Il est 7h30
今天星期几?Quel jour est-on ?
星期二。Mardi
今天八点我没有课. Aujourd’hui à 8h00 je n’ai pas cours.
Comme vous le voyez sur la photo, c’est deux filles qui vivent ensemble. Ne vous fier pas au caractère enfantin, ce sont sensé être des étudiants à l’université.
Voyez comme le dialogue est rikiki ? N’aurait-il pas pu ajouter des éléments supplémentaires genre : « J’ai bien dormi (ou mal) » « zut (flûte pourrait marcher aussi), je suis en retard », « ah non en fait c’est mercredi, je me suis trompé. Oulala, j’ai cours en fait, je risque de ne pas être acceptée en cours (pénalisée marche aussi) », « j’ai la tête dans le pâté (faut bien apprendre les expressions familières ou l’argot), hier j’ai regardé ma série TV préférée jusque tard dans la nuit. Oui je sais, cela m’a dérangé. L’acteur est tellement beau !»
Les cours seraient-ils plus dur ? J’en doute fort, on est là pour apprendre pas pour piétiner avec des dialogues nianians. Plus on a de vocabulaire, plus il est facile de converser ou d’engager la conversation. Personnellement, à chaque fois que j’essaye de discuter avec un autochtone, ça s’arrête très vite, je n’ai pas assez de munitions pour suivre ou continuer à discuter : l’interlocuteur me mitraille généralement de questions ou de mots mais impossible de le comprendre.